Sur les traces du Plaisir

Qu'est-ce qui amène un couple à s'adjoindre d'autres partenaires sexuels ?

 

 

Pourquoi la sexualité de groupe reste-t-elle une pratique exceptionnelle ?

Ce dossier explore les mécanismes du couple, les aléas de son évolution et la périlleuse ascension vers les sommets de l'érotisme des partenaires qui s'y risquent et propose des conseils pour ceux qui souhaitent tenter l'aventure..

 

Si on a pu parler d'une certaine libération de la sexualité, la sexualité de groupe reste un tabou auquel s'attache la notion de débauche, voire de «maladie mentale». Ces à priori ne sont pas dépourvus de vérité et il est vrai que nous nous trouvons là aux limites incertaines de l'érotisme et de la pathologie. La sexualité de groupe est une auberge espagnole où chacun vient chercher la satisfaction des pulsions qu'il y amène et celles-ci peuvent être de tous ordres. Dans certains cas, elle sera un jeu de plus dans l'évolution du potentiel érotique. Dans d'autres cas, elle sera la triste manifestation de perversions qui enferme l'individu dans des pratiques compulsives au cours desquelles l'absence totale de sentiments génère rapidement l'absence de gratification. La sexualité de groupe qui n'était pratiquée jusqu'à ces dernières années que par un petit nombre d'initiés, tend à se démocratiser bien qu'elle ne concerne encore qu'un très faible pourcentage de nos contemporains. Mais si la démocratie accepte mal l'élitisme, je ne suis pas sûr que les jeux érotiques de l'échangisme soient accessibles à tout un chacun sans danger.

 

LE CHOIX DE QUEL PARTENAIRE ?

 

Pour comprendre le faible nombre d'individus concernés par la sexualité de groupe, il importe de se souvenir de la façon dont se choisissent les partenaires et ce choix dépend de leurs intentions.

Lorsque la relation n'a pour but que la sexualité, les partenaires se choisissent en fonction des signaux érotiques qu'ils émettent. L'objectif est de réaliser ses fantasmes et c'est l'apparente capacité de l'autre à être le support permettant cette réalisation qui le fait choisir : le partenaire est excitant.Lorsque la relation a pour ambition d'être durable et peut conduire à une vie en commun, c'est tout le contraire qui se produit. D'une façon inconsciente, les partenaires vont se choisir en fonction de la capacité perçue chez l'autre d'être un «garde-fou» contre les pulsions fantasmatiques le partenaire est équilibrant. Mais ce qui paraît simple à l'analyse l'est moins dans la vie. La recherche, à tout âge, de l'être idéal qui comblerait tous les souhaits de complémentarité intellectuelle (ou pratique), affective et sexuelle, nous fait prendre «des vessies pour des lanternes». Au prix de dénis de réalité perçus par tous, sauf pour l'amoureuse et l'amoureux aveuglés, s'instaure un couple qui aura du mal à survivre lorsque le temps se sera chargé d'effeuiller une à une les illusions. Il faut avoir vécu, s'être «cassé la gueule» souvent plusieurs fois et en avoir tiré les leçons, pour comprendre que la recherche de la complémentarité qui comblerait nos manques, est vaine et dangereuse. Il faut avoir suffisamment souffert de cette quête éperdue pour accepter l'idée que dans la vie, l'être humain est seul avec ses failles et qu'il ne peut compter sur personne, sauf sur lui-même, pour en adoucir les brûlures. C'est seulement à ce moment que l'être est libre et mature pour choisir son ou sa partenaire selon des critères qui respectent l'autre. Faute d'avoir compris et accepté sa solitude, la sexualité compulsive (à répétition et qui n'apporte pas l'apaisement) représente un comportement névrotique qui cherche, sans y parvenir, à combler le vide. La sexualité de groupe «démocratisée» en est souvent une manifestation. De multiples obstacles vont s'opposer à la maturation sexuelle des individus qui peuvent la retarder ou la faire tourner court.

 

 

PÉCHÉ DE JEUNESSE

 

Le premier obstacle est un «péché de jeunesse». Les premières relations sexuelles répondent à des besoins physiologiques et à une curiosité dans lesquelles les fantasmes sont des fantasmes d'adolescents. A l'extrême, ils sont purement sexuels (voire pornographiques) pour le garçon ; ils sont immergés dans une scénographie romantique pour les filles. Cette «boulimie perverse» est incompatible avec l'érotisme.

Rappelons que certains sujets (beaucoup plus nombreux qu'on l'imagine) restent, dans ce domaine, des adolescents toute leur vie. Ils sont piégés dans une sexualité immature qu'ils ont pris pour de l'amour. S'ils décident d'unir leurs vies, leur union sera marquée par des modèles sexuels qui ne résistent pas au temps. Pour lui, la vulve, et éventuellement les seins de sa compagne, qui l'attiraient, comme un papillon de nuit est attiré par la lumière, ont perdu leur fascinant mystère alors que le reste du corps n'a jamais présenté aucun intérêt. Pour elle, le prince charmant potentiel est devenu (en fait, il est resté)l'homme maladroit et inattentif. Elle est maintenant demandeuse de davantage de caresses, il est demandeur de plus de cul. S'il ose (et encore, osera-t-il ?), il lui proposera de regarder avec lui des films pornographiques, espérant ainsi redonner de la vie au sexe de sa femme désormais inscrit aux abonnés absents. Ceci, bien entendu, ne fait que les éloigner davantage car rien dans la nature de la pauvre femme, ne peut lui permettre de se reconnaître (et pour cause !) dans les débordements des protagonistes mis en scène. Lui puisera à cette source d'images les scénarios qu'il se rejouera pendant que sa femme se pliera au devoir conjugal. La pauvreté de l'imaginaire de ces couples et le carcan qui inhibe leur sexualité ne permet pas l'accès à l'érotisme et à la recherche des plaisirs raffinés qu'il engendre. Tout au plus, elle se remettra à rêver et à attendre en secret l'homme idéal tapi dans ses fantasmes. Mais s'il vient à passer, prendra-t-elle le risque de le reconnaître et de briser ce qui existe ? Lui vivra des fantasmes de partouzes dans lesquels s'exprime la violence mais le passage à l'acte éventuel se fera sur le mode du viol, un soir de bordée avec les copains. Il n'est absolument pas armé pour les finesses de «la débauche». 

 

LE "RAS-LE-BOL" DE LA SOLITUDE

 

Ceux qui ont franchi le cap de la sexualité adolescente, ont pu commencer à élaborer un vocabulaire érotique selon leur plus ou moins grand appétit sexuel, leur plus ou moins grande liberté, le nombre et la qualité de leurs rencontres. Mais ce passage de là où ils en sont de leur vie, se fait soit en tant que célibataire, soit selon des expériences de couple instable alternant lunes de miel et ruptures plus ou moins douloureuses, à un rythme de plus en plus accéléré. Un jour ou l'autre, pour l'immense majorité d'entre eux, le besoin de sentiments durables les amène à changer de vie. Ils se «rangent». Pour changer leur vie et l'orienter vers une vie de couple durable, le compagnon ou la compagne doit présenter des qualités de sentiments et de sécurisation non-compatibles (au moins le croient-ils) avec une sexualité débridée puisque celle-ci ne leur a jamais permis jusqu'alors de vivre l'existence à laquelle ils aspirent maintenant. Pourtant, les potentialités érotiques qu'ils ont acquises, ne pourront se satisfaire longtemps d'une sexualité rendue plus sage par leur besoin de sécurité. Si, sur le plan de l'érotisme, le décalage avec le nouveau partenaire est trop important, la sexualité restera pauvre et le couple est en péril. Mais si l'un est riche et si l'autre ne demande qu'à le devenir, tout ira bien.

 

LA RELANCE DU PLAISIR

 

 

La communication érotique n'échappe pas aux lois générales de la communication.

Sans apports extérieurs, il faut beaucoup d'enthousiasme, beaucoup d'imagination de la part des deux protagonistes, pour que se maintienne durablement un haut niveau d'échanges dans la vie sexuelle d'un couple. Le rôle des fantasmes est ici prépondérant : ils permettent d'élaborer ensemble des scénarios que l'on peut se jouer et se rejouer. Mais ces jeux, comme le reste, ne supportent pas l'épreuve du temps. Pour continuer d'exister,l'érotisme doit s'alimenter de stimulations sensorielles qui vont enrichir les fantasmes lorsqu'ils ne suffisent plus.

 

L'ÉCHANGISME OU QUAND LE COUPLE PREND DES AMANTS

 

Les partenaires sont à la recherche d'une solution pour mettre fin à la routine sexuelle.

L'absence de mésentente conjugale fait rejeter la solution des relations extra-conjugales pouvant mettre en danger le couple. C'est généralement le moment où, pour la première fois, est évoquée(presque toujours par l'homme et souvent timidement) l'éventualité de pratiquer l'échangisme. Cette demande pose le problème du lien entre les deux membres du couple. L'évocation d'autres partenaires laisse planer la peur de perdre l'autre,l'éventualité qu'un nouvel arrivant séduise la compagne ou le compagnon en étant un meilleur amant à un moment où la sexualité du couple n'est plus à son apogée.

Cette crainte, qui n'est jamais absente dans la pratique de la sexualité de groupe, va exiger que des règles strictes soient mises en place et respectées au sein du couple comme au sein du groupe. Si ces règles existent dans les clubs échangistes et sont généralement de mise dans la pratique intime du swing (deux couples), elles sont beaucoup plus aléatoires dans le triolisme. Dans un premier temps, la demande enrichit les fantasmes du demandeur, qui «s'y voit déjà» et, éventuellement, de l'autre partenaire, s'il accueille favorablement la proposition. Le plus souvent pourtant, la femme, dans un premier temps, l'accepte mal. Elle y voit des pulsions infidèles de son mari, ou ne comprend pas que son compagnon puisse envisager de la laisser faire l'amour avec un autre homme. Les discussions se poursuivant, la proposition mûrit et les résistances s'estompent. La première fois sera le plus souvent une question de circonstances. 

 

La pratique de sexualité de groupe, si elle stimule le couple, peut très bien ne le stimuler que dans la situation d'échange sans que les rapports au quotidien en bénéficient.

 

La vigueur de l'homme ou l'appétit de la femme qui ne se révèlent pas dans les rapports du couple, sont sources de jalousie. D'autant plus que, malgré les règles du jeu, l'absence de sentiments est difficile à affirmer.

 

Enfin, même dans les clubs échangistes, le nombre des partenaires est limité. Ici aussi peut s'installer une certaine routine, jusqu'à ce qu'un nouveau couple, perçu comme de la chair fraîche, se présente et fasse l'objet des convoitises d'une grande partie des anciens au détriment des relations habituelles. Là aussi, il peut y avoir des jalousies. Mais ce qui caractérise le triolisme et, à plus forte raison l'échangisme, c'est que ces pratiques laissent émerger des pulsions perverses. Au-delà des préliminaires, lorsque les ébats ont commencé et que les étreintes se succèdent, la situation va prendre un sens pour chacun des membres du couple.

 

Si la recherche du plaisir sexuel est la quête qu'ils faisaient en venant dans ces lieux, leur vraie jouissance sera la coïncidence du vécu de l'ensemble des stimulations sensorielles et sexuelles avec ce qui va surgir du plus profond d'eux-mêmes à ce moment précis. S'ils en jouissent, ils reviendront avec le sentiment qu'ils ont enfin trouvé un lieu de liberté pour laisser s'exprimer ce qu'ils sont. Si cela les effraie, ils ne reviendront plus et ressortiront de cette expérience, effondrés, avec le sentiment d'avoir piétiné ce qu'il y avait de plus riche entre eux : cet amour qui les unissait pour éviter justement les débordements de ce type. C'est l'un des dangers. Mais il y en a un autre. Analyser tout ce qui peut pousser, inconsciemment, les êtres à pratiquer l'échangisme est impossible. Aux plaisirs du voyeurisme et de l'exhibitionnisme, pulsions pratiquement indispensables pour vivre des ébats au vu et au su de tous les participants, peuvent s'ajouter des pulsions sadiques : le mépris de l'homme envers sa femme acceptant d'être prise par un autre ou qu'il avilit en la faisant prendre par un autre. Des pulsions masochistes : la douleur de voir sa femme prise par un autre. Douleur qui se changera en plaisir lorsqu'il pourra l'avoir de nouveau à lui. Des pulsions d'homosexualité etc., etc... Et ce qui est vrai pour l'homme est également vrai pour la femme.

 

L'autre danger pour le couple et pour l'individu est que, à bas bruit, la répétition de l'échangisme ou violemment la révélation brutale de la pulsion au moment de la jouissance, entraîne un glissement du plaisir hors du champ prévu des ébats. Désormais, ce qui procure le plaisir c'est le sens que prend l'acte et non l'acte lui-même. Désormais, c'est le besoin de vivre ces pulsions pour elles-mêmes, solitaire et enfermé dans un «toujours plus d'avilissement», un «toujours plus de douleur». Et ces pulsions, extraites d'un contexte de jeu, peuvent se vivre ailleurs. L'individu peut alors devenir dangereux pour lui même et/ou pour la société.

 

Chaque nouveau grade acquis l'a été au risque de se perdre.

En ce sens, ces jeux-là sont des jeux graves qui ne supportent pas la médiocrité et malheur à ceux qui s'y frottent à la légère. On comprend pourquoi la sexualité de groupe ne peut être l'affaire que d'une minorité. Pour qu'elle ait un sens, elle ne peut concerner que des êtres que l'expérience a libérés d'une morale étriquée et qui prennent le risque de vivre leur existence (et pas seulement leur sexualité) hors du balisage que la société impose au plus grand nombre. C'est pour cela qu'ils sont inquiétants...

 

LE TRIOLISME

 

Le triolisme représente la demande sexuelle la plus importante. Le couple a le sentiment qu'il maîtrisera mieux ce qui peut arriver du fait de la venue d'un seul nouveau partenaire. Que le troisième personnage soit un homme ou une femme, dépend des fantasmes du demandeur et, éventuellement, de ce qu'il perçoit du désir de l'autre. Jusqu'à il y a une dizaine d'années, lorsque c'était l'homme qui prenait l'initiative (et c'est, on l'a vu, le plus fréquent), il choisissait presque toujours une femme. Il voyait là un double avantage : satisfaire ses pulsions de polygamie et de voyeurisme tout en offrant à sa compagne la possibilité de vivre d'autres stimulations avec une partenaire qui ne lui semblait pas représenter de danger pour lui.

Il est curieux de constater que le fantasme de lesbianisme, orchestré par un amant pouvant jouir des deux partenaires existe chez presque tous les hommes. Leurs à priori leur donnent la certitude que, dans toute femme, il y a une lesbienne qui s'ignore ou qu'elle n'attend que son autorisation pour passer à l'acte. Cette confusion entre homosexualité latente et lesbianisme peut conduire à des situations fâcheuses.

 

La moins grave est que la partenaire légitime, bien que pleine de bonne volonté, ne trouve aucun intérêt dans les caresses d'une autre femme. Elle sera juste témoin d'un coït entre son mari et une autre. La frustration et le sentiment d'avoir été dupée passés, le couple retrouvera sa vie normale et, peut-être fera-t-il d'autres tentatives dans la pratique du swing... 

La plus lourde des conséquences est que la partenaire légitime vive une révélation dans le rapport lesbien avec la femme invitée.

Dans ce cas, le rapport est tellement fort que l'homme n'a qu'une chose à faire : laisser les femmes entre elles sans tenter de s'immiscer dans ce qui se joue sous ses yeux. Il n'est pas de taille et n'a rien de mieux à offrir. S'il peut toujours profiter du coup d'œil, c'est en se masturbant qu'il terminera la soirée.

Lorsque l'homme choisit pour partenaire du couple un autre homme, ce choix peut signifier un désir de vivre une expérience homosexuelle et correspond à une pulsion jusqu'ici refoulée. A moins que cela corresponde à un peu probable élan de générosité. Quelles qu'en soient les raisons, ce choix cache des pulsions perverses que l'on va retrouver présentes (c'est l'intérêt mais aussi le danger) dans toutes les pratiques de la sexualité de groupe. Et ce qui est vrai pour l'homme, l'est aussi pour la femme. Dans l'immense majorité des cas, la pratique du triolisme laisse «sur sa faim» l'un des deux partenaires et conduit le couple vers les échanges plus larges que propose le swing. 

 

 

LE PHENOMENE DU "SWING"

 

Née dans les années 70 aux États-Unis, la pratique occasionnelle ou régulière du swing s'est répandue en Europe. Au niveau le plus simple, le swing est la pratique sexuelle de deux couples qui se sont choisis pour échanger leurs partenaires et laisser s'exprimer éventuellement toutes les composantes possibles de la sexualité.

Il représente la seule forme réelle de l'échangisme pour le couple et se veut uniquement une pratique sexuelle.

Les sentiments n'ont pas leur place. Dans sa forme à quatre partenaires, ceci implique un renouvellement constant des protagonistes et une discrétion qui complique le recrutement. Très rapidement, c'est dans les clubs spécialisés, plus ou moins discrets, que vont se vivre les échanges. L'échangisme brise la routine du couple, non pas seulement parce qu'il y a échange de partenaires, mais parce qu'il bouscule toute la vie du couple.

Les efforts pour séduire se retrouvent dans la vie de tous les jours. La multiplicité des partenaires masculins peut amener une femme n'ayant jamais connu d'orgasme à devenir multi-orgasmique. La multiplicité des partenaires féminines redonne à l'homme une vigueur qu'il avait perdue. Le couple peut en récupérer les bénéfices.

 

 

Dim 7 mai 2006 1 commentaire

La démarche est intéressante. Elle montre la dissociation entre plaisir sexuel et amour de deux êtres. Cependant, elle nécessite des couples forts. Un couple où les sentiments n'existent plus beaucoup risque d'exploser. Un couple qui fonctionne très bien en sort renforcé.


Ceci étant, à chacun son regard sur ces pratiques. Certains sont demandeurs, d'autres farouchement opposés.

M&A - le 07/05/2006 à 23h54